Éditions GOPE, 154 pages, 13 x 19 cm, 14.70 €, ISBN 979-10-91328-34-0

Traduction : Marcel Barang

jeudi 10 mai 2018

Critiques sur Babelio

Articles originaux


gavarneur
3.5/5 ★
Fugit irreparabile tempus*
Sous le pont Mirabeau coule la seine. Dans le Sud de la Thaïlande coule un torrent. C’est le même temps qui s’écoule, mais pas vraiment la même nostalgie.

Dans cette longue nouvelle de Kanokphong Songsomphan, les doux souvenirs de l’enfance sont mêlés à ceux, dramatiques, de l’éveil à l’amour et d’une révolution ratée. Et le narrateur, incapable de les séparer, ne sait s’il veut revivre son passé ou l’oublier. C’est dit dès les premières lignes du texte : 
« Pourquoi est-ce que je ne me souviendrais pas de toi, Priya, alors que tu es le souvenir que j’essaye d’oublier le plus de tous les souvenirs que j’ai de la maison natale ? Priya, as-tu jamais entendu dire que la vie qui passe est un cauchemar ? Je sais que c’est la vérité qui la rend nocive. le passé nous détruit, Maman ne cesse de me dire : il faut oublier hier pour qu’il fasse beau demain. Mais qui a jamais pensé de la sorte ? Même Maman... »

Le récit débute comme une incantation, un exorcisme, puis commence par décrire une enfance heureuse à la campagne. Nous découvrons une vie de jeune garçon, comme dans un tableau pointilliste où les taches font sens petit à petit quand on recule. Tout n’est pas rose, et le petit enfant, comme tous les enfants du monde, se demande si sa maman l’aime, quand elle le punit. Mais il y a des moments de douceur, de bonheur, en particulier par la musique. Les rapports familiaux sont remémorés par un adulte qui reconstitue ses pensées enfantines. Petit à petit, des éléments extérieurs à la famille interviennent, et, comme le dit le 4e de couverture : « un amour d’adolescents tourne au tragique tandis que, dans les montagnes environnantes, une insurrection tourne court. »

L’essentiel est juste suggéré, seul un geste de vengeance affreux est presque décrit. 

Dans la fin du texte, le narrateur, adulte et loin de son village natal, torturé de culpabilité, incapable de se pardonner ni de se faire pardonner, revient aigrement sur l’irréversibilité du temps et sur la douleur du souvenir.

Les éditions Gope proposent une sélection de textes de l’Asie du Sud-Est et m’ont offert ce livre par Babelio et Masse Critique. Je les en remercie, je voulais découvrir un petit morceau de littérature thaïlandaise et ce livre m’a beaucoup intéressé et plu, bien que le sujet ne soit pas très gai.

C’est une supplique, dont le narrateur sait qu’elle ne sera pas comprise, et même pas lue par sa destinataire. Est-elle même un acte thérapeutique, quand la culpabilité est ineffaçable ?

L’essentiel pour moi, au-delà de la description vivante de la vie rurale dans le Sud de la Thaïlande dans les années 70, est la belle construction du texte, qui sollicite efficacement l’attention, l’intelligence et la sensibilité du lecteur tout au long d’un parcours de vie douloureux.

*Virgile, Géorgiques, une des citations préférées de mon père.



kobaitchi
4/5 ★
À travers les souvenirs de son enfance, il se remémore la fameuse Priya, qui donne son titre à la nouvelle et dont on ne sait au départ rien du tout, et il remonte petit à petit le cours du temps jusqu’à arriver aux jours présents ; le narrateur nous dépeint l’histoire d’une famille, la sienne, d’un village, celui où il a grandi, mais aussi d’un peuple et d’une révolution. Le tout à travers les yeux d’un enfant qui ne comprend rien aux enjeux de ce qui se passe sous son nez.

Si tout, au début, semble aller bien, avec l’école, les instituteurs, les cours de trompette, la musique jouée par le père qui fait du village un endroit si agréable, la rudesse de la mère qui pourtant pense à ses enfants plus qu’à elle-même et la rivalité fraternelle qui unit autant qu’elle oppose le narrateur et son frère, le temps finit par passer et plus les pages se tournent, plus se dessinent sous nos yeux les prémisses de gros changements à venir.

Il y a d’abord le fantôme retrouvé flottant dans la rivière, puis les escapades nocturnes du père, les disputes, l’angoisse et enfin les militaires.

À mesure que le narrateur grandit les ennuis deviennent plus concrets. Ne les avait-il pas remarqués plus tôt à cause de son jeune âge ou la vie était-elle vraiment en train de changer ?

Dans ce maelstrom d’émotions, de craintes et de sentiment d’injustice, il y a pourtant une chose immuable qui rassure, un phare dans l’obscurité qui s’installe. La présence de Priya. Priya, si douce, si belle. Priya, pas vraiment une sœur, pas vraiment autre chose non plus. Son prénom, répété inlassablement tout du long donne à cette nouvelle un air de poésie, la transforme en danse légère et intime.

À mesure qu’il grandit, le narrateur prend conscience des sentiments qu’il nourrit à son égard. Bien que nous l’ayons compris depuis longtemps, lui, s’en rend compte presque par hasard.

Et on s’imagine alors qu’une fin heureuse est possible. Avant de se rappeler que cette histoire est en quelque sorte une lettre qu’il lui envoie.

Vient alors l’angoisse, pourquoi cette histoire ne peut-elle pas bien se finir ? Que va-t-il encore se passer pour envoyer en l’air leur bonheur naissant ?

Malgré tous les problèmes que va rencontrer le narrateur, bien que les histoires vraies manquent bien souvent de magie et que je m’en désintéresse très rapidement, je dois reconnaitre que j’ai beaucoup aimé ce livre.

L’écriture, en tout cas la traduction, est très agréable. On s’attache rapidement, aussi bien au narrateur qu’à Priya ou à la large galerie de personnages qu’on rencontre. le rythme quoique posé est très bon, l’auteur arrive en quelques pages à peine à nous intéresser et on l’écoute finalement nous raconter ses souvenirs en ressentant autant d’affection pour lui que s’il était un ami très cher. Je regrette une petite baisse de régime dans les toutes dernières pages que j’ai trouvées moins chantantes. Alors que jusque-là même les thèmes difficiles avaient été abordés avec cette même poésie les dernières pages semblent avoir été traduites par une autre personne. C’est dommage, car ça nous sort un peu de l’histoire à quelques pages à peine de la fin.

Malgré ce tout petit problème c’est une lecture dont je garde un très bon ressenti et j’espère voir d’autres textes de cet auteur traduits un jour.

mardi 13 juin 2017

Le nom « Priya » berce tranquillement notre lecture

Sans cesse répété, le nom « Priya » berce tranquillement notre lecture. Il se fait plus rare au fil des pages et, de berceuse, le texte devient violence : violence de la nature envers les hommes, violence entre les êtres humains ; violence et lourdeur du non-dit et des secrets ; violence du viol et de l’inceste, violence de la guerre… 

Nous sommes en Thaïlande et la page de gauche, en thaï, nous le rappelle de façon très agréable — quelle belle graphie ! — mais, finalement, que l’on soit en Thaïlande ou au fin fond de la France, les sentiments ne sont-ils pas les mêmes, les relations entre les hommes identiques, les horreurs tout aussi épouvantables ? Dans ce court et bel ouvrage, tout est terriblement humain !

Luce D. & Marielle T.
Juin 2017

La lâcheté ou la folie pour survivre

Dans la Thaïlande instable des années 70, deux jeunes adolescents s’aiment. Autour d’eux les adultes chuchotent des fragments de vie, en secret. Dans ce monde où chacun ment ou se tait, rien n’est plus violent que la quête de vérité.

Un jour, à partir d’un détail, un mot, un regard, toute la perspective change et l’on mesure à quel point « le venin du passé fait souffrir ». 
Pour ces deux enfants, ce n’est pas l’âge des responsabilités ni des prises de décisions, c’est l’âge de l’innocence où la possibilité d’une autre vie est tout entière entre les mains de « maman qui nous aime à la folie ».
Quand on ne maîtrise pas le cours des événements, on ne maîtrise pas son destin, il vous échappe, il est trop tard.

Une description subtile et juste de l’enfance dont on voudrait bercer la fragilité, retarder le moment où tout bascule vers une illusion de liberté. 

Nicole B. 
27 mai 2017

lundi 20 mars 2017

La Femme est une horrible ensorceleuse



C’est une belle atmosphère, une atmosphère à la Duras, dans laquelle nous promène l’auteur. Très vite nous sommes plongés dans une espèce de moiteur et de torpeur. Chaque page nous plonge un peu plus dans les odeurs, les sons et les couleurs qui nous donnent le sentiment étrange que les souvenirs évoqués sont les nôtres. Une impression familière et douce nous envahit très vite à la lecture de ce livre.

Cependant, mêlée à cette sensation, une autre beaucoup moins agréable frappe l’esprit tout aussi vite. L’idée d’une confession, d’une longue lettre d’excuses dans laquelle la destinataire semble finalement reconnue coupable dès le départ. Peut-être est-ce la description que l’adulte fait a posteriori de ses souvenirs d’enfant. Le regard de l’adulte qui transforme les intentions pures et naïves de l’enfant en idées impures. À moins que l’Enfant ne soit pas un être si pur que ne le voudrait la société.

Quoi qu’il en soit, très vite le malaise s’installe. La sensation que la victime de ce livre est la coupable. La lente et longue explication du pourquoi elle ne peut être que la coupable. Il faut attendre la 129e page pour voir l’auteur esquisser un « c’est ma faute à moi », confession très vite adoucie par la description du comment cette faute était inévitable.

Que dire de l’allusion au serpent... tant de siècles passés et toujours la même bêtise humaine !

Finalement, ce bel ouvrage – car cela reste un bel ouvrage – n’est que le triste constat qu’au XXIe siècle rien n’a changé. En effet, 140 pages qui illustrent le plus vieux et le plus consternant des sophismes : La Femme est une horrible ensorceleuse pour l’Homme. Je suis un homme. Je suis donc la victime ensorcelée...

Cécile Guicheteau, mars 2017.

samedi 7 janvier 2017

Telle une obsession, « Priya » résonne au fil des lignes

Article original


Telle une obsession, « Priya » résonne au fil des lignes de cette nouvelle de Kanokphong Songsomphan éditée par Gope. L’auteur veut se souvenir des jours heureux de son enfance, mais désire plus que tout le faire entendre à Priya. Il l’interroge, l’interpelle, mais peut-elle encore le comprendre ?

Né dans le Sud de la Thaïlande en 1966, Kanokphong nous conte la vie d’une famille, la sienne, au gré des saisons au sein de son petit village niché au pied d’une colline d’où descend une rivière qui va rythmer son quotidien. Cela n’est pas sans rappeler « mon » Isan. Il grandit au sein de cette famille heureuse tout en continuant à forcer Priya à l’écouter – la nouvelle est en fait comme une lettre qu’il aurait souhaité lui faire entendre. Le temps passe, il devient adolescent ; les sens en éveil, il tente de comprendre, il aimerait que Priya l’aide mais… La vie se dégrade au sein de la famille, mais il garde l’espoir et surtout découvre l’amour qu’il porte à Priya. On ressent totalement cette oppression qui l’étreint, cette frustration qui l’étouffe grâce à un style précis et évocateur – on le doit à la traduction du thaï vers le français de Marcel Barang. 

Je ne lis pourtant pas le thaï, mais je le comprends et le fait que l’édition soit dans les deux langues donne un plus non négligeable.

Pages de gauche, le texte original, pages de droite le texte traduit. J’en ai profité pour le faire lire à ma femme et à mon fils – lui qui a la chance de lire dans les deux langues. À ma demande, ma femme a lu à haute voix des passages où le nom « Priya » revient telle une ritournelle et là, autant que dans le récit en français, on est bercé, telle une ondulation acoustique, c’est magnifique. Elle a néanmoins beaucoup aimé, elle qui ne lit habituellement pas ; des souvenirs de son enfance lui sont remontés au bord des yeux. Mon fils a eu plus de mal, il n’a que dix ans, jonglant entre le français et le thaï, il a surtout remarqué que le fait de traduire était un exercice difficile – des mots thaïs très imagés aux expressions en français non moins métaphoriques.

Cette nouvelle épistolaire se déroule durant les années 70-80, sous fond d’insurrection ; celle-ci sera matée par le pouvoir de l’époque… Et l’on sent que cela va nourrir les souvenirs de l’auteur, interférer dans cette vie heureuse de jeunesse qui va au fil des lignes se dégrader jusqu’à… Je n’en dirai pas plus !

À vous de lire la suite…

J’ai vraiment beaucoup aimé Priya. J’ai vraiment apprécié la double édition, le partage de cette lecture avec ma femme, cela me donne envie de faire lire Priya à d’autres thaïlandais(es) de mon entourage. Je ne peux que le conseiller à tous les Farangs qui vivent en couple, c’est une expérience vraiment enrichissante, trop rare à mon goût.

C’est tout simplement une belle histoire d’amour, touchante, sans oublier les touches d’humour qui se glissent au fil des lignes ; même dans le désarroi de l’Histoire, continuons de sourire. Je ne vous parle pas de tous les autres personnages, une galerie de portraits comme je les aime. Ce livre, c’est l’âme thaïlandaise des campagnes !

Si vous désirez en savoir plus sur Priya et tous ces gens qui l’entourent,vous pouvez les approcher de plus près directement auprès de l’éditeur.

Par jeffdepangkhan dans Et si on parlait bouquins ! (9) le 12 décembre 2016.

Priya (บ้านเกิด) : rentrée littéraire 2016

Article original


À l’occasion de la rentrée littéraire 2016, les éditions Gope publient une nouvelle de Kanokphong Songsomphan en version bilingue française thaïe : Priya (บ้านเกิด).

Dans le Sud profond de la Thaïlande des années 70, un amour d’adolescents tourne au tragique tandis que, dans les montagnes environnantes, une insurrection tourne court. Narrée sur le ton du repentir et du regret, cette lente prise de conscience des soubresauts du monde et de la chair n’exclut pas l’humour.

Natif du Sud de la Thaïlande, l’auteur était l’un des meilleurs nouvellistes de sa génération. Traduites en anglais et en japonais, ses œuvres ont souvent été primées. La traduction de Priya a été confiée à Marcel Barang, un ancien journaliste vivant en Thaïlande depuis presque quatre décennies et qui s’est imposé comme le principal traducteur littéraire du thaï, tant en français qu’en anglais.

Le Paris Phuket N°57, novembre-décembre 2016.


Kanokphong Songsomphan (กนกพงศ์ สงสมพันธุ์) 1966-2006

samedi 24 septembre 2016

Comme une sœur ?...

Dans les années 70, au sud de la Thaïlande, l’histoire d’amour entre le fils d’un couple d’instituteurs et Pryia, la fille de leurs collègues et sa compagne de jeux longtemps innocents.

Avec, en toile de fond, le déclenchement d’une violente insurrection au cœur des montagnes.

Reading Time
© Hansel and Regrettal, 2013